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Le 18 septembre, les Écossais seront appelés aux urnes et devront se prononcer par « oui » ou par « non » à la question : « Est-ce que l’Écosse devrait être un pays indépendant ? ». Quelques mois plus tard, les Britanniques seront ensuite appelés à participer à un scrutin, pour décider de rester ou non dans l’Union européenne si le parti conservateur emporte les élections générales de 2015. Quel que soit le résultat de ces deux référendums, les conséquences seront importantes pour la République d’Irlande. L’Irish Institute of International and European affairs, le plus célèbre think tank irlandais en matière de politique étrangère, a rendu public en février dernier un document analysant leurs implications respectives sur les relations entre Dublin et Londres.
L’auteur de cet article est l’Irlandais Paul Gillespie, éditorialiste pour l’Irish Times et spécialiste des relations irlando-britanniques. Selon lui, quatre situations sont envisageables.
Premier cas : l’Écosse vote contre l’indépendance et la Grande-Bretagne se maintient dans l’Union européenne, autrement dit c’est le statu quo. Dans ce cas, le « risque » serait que l’Angleterre sorte du Royaume-Uni. Mais plus vraisemblablement, la Grande-Bretagne tenterait de faire fléchir en son sens la politique de l’Union européenne, s’appuyant peut-être sur Dublin pour faire entendre sa voix.
Deuxième cas : l’Écosse reste dans la Grande-Bretagne, mais la Grande-Bretagne quitte l’Union européenne. Dans ce cas, double problème : l’Écosse qui souhaite renforcer ses liens avec l’Union européenne pourrait demander un nouveau référendum tandis que le problème de la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord engendrerait des tensions. Cette frontière de 360 kilomètres qui est tout à fait immatérielle à l’heure actuelle, pourrait-elle être re-matérialisée ? Si cela semble aujourd’hui improbable, la Grande-Bretagne pourrait le souhaiter pour se démarquer clairement d’une Irlande trop européenne.
Troisième cas : l’Écosse quitte la Grande-Bretagne qui reste dans l’Union européenne. La notion de Royaume-Uni (composé aujourd’hui de l’Angleterre, de l’Écosse, du Pays de Galles et de l’Irlande du Nord) serait alors à redéfinir, et les relations entre l’Irlande et l’Écosse ainsi que celles entre Dublin et le nouveau Royaume-Uni seraient à inventer.
Dernier cas : l’Écosse quitte la Grande-Bretagne qui quitterait elle-même l’Union européenne. L’éclatement de la Grande-Bretagne et la transformation radicale des relations entre Dublin, Edimbourg et Londres pourraient alors permettre la réalisation du vieux rêve des Républicains irlandais : une fenêtre sur la réunification de l’île serait en effet ouverte. De fait, avec le renversement de la démographie de l’Irlande du Nord (avec, en proportion, de plus en plus de catholiques par rapport aux protestants), un référendum qui s’y tiendrait dans les prochaines années sur le modèle écossais pourrait potentiellement entraîner la réunification de l’île d’Émeraude. Bien sûr, cela est loin d’être réalisé dans la mesure où des siècles d’histoire séparent la République d’Irlande de l’Irlande du Nord. Mais l’hypothèse de Dublin comme capitale d’une Irlande réunifiée ne serait alors plus tout à fait improbable.
Parmi toutes ces hypothèses, Paul Gillespie considère que « le deuxième scénario est le plus probable car si la réponse au référendum est un « non », de toute façon la question sera rouverte par le référendum britannique sur l’UE et l’Écosse finira par être indépendante dans cinq ans si elle ne l’est pas dès maintenant ». La République d’Irlande s’apprête-t-elle à collaborer avec une Écosse indépendante à plus ou moins long terme ? Pour Paul Gillespie, « si les Écossais votent l’indépendance, le gouvernement irlandais les féliciteront et les aideront au mieux qu’ils le pourront ». Toutefois, jusqu’au référendum « le gouvernement irlandais reste neutre afin de ne pas être accusé d’interférence. Il est pleinement engagé sur le problème et au courant des implications pour l’Irlande. Il s’arrangera avec les résultats du référendum quels qu’ils soient et coopérera avec la nouvelle situation engendrée par le vote ».
Neutre ? La neutralité du gouvernement irlandais n’est bien sûr qu’une façade diplomatique, que souligne le sourire d’Enda Kenny à chaque question de journalistes sur le sujet. En cas de rejet du référendum, Dublin aura ainsi évité de s’attirer les foudres de Londres. Mais en cas d’une victoire de l’indépendantisme, le soutien de la République d’Irlande à l’Écosse ne fait pour ainsi dire pas de doute. Et si l’Écosse doit un jour en venir à négocier son adhésion à l’Union européenne, Dublin sera vraisemblablement son premier allié. C’est du moins ainsi que pourrait être interprétées la remarque de Pat Cox, l’ancien Président irlandais du Parlement européen : « s’assurer que l’Écosse continuera à être membre de l’Union européenne est dans l’intérêt du peuple écossais, du Royaume-Uni tout entier pré ou post référendum, et du reste de l’Union européenne ».
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Vu d’Irlande du Nord
Au-delà des situations hypothétiques qui découleront de ces deux référendums, leurs implications respectives sur l’Irlande sont remarquables ce qui y explique les prises de position vigoureuses. En effet, les Irlandais de la république se reconnaissent aujourd’hui largement dans la cause indépendantiste et pro-européenne écossaise tandis que les protestants nord-irlandais s’y opposent.
D’un côté, les catholiques irlandais et nord-irlandais sont plutôt en faveur de l’indépendance écossaise dans la mesure où ils se reconnaissent dans la lutte des indépendantistes qui, comme eux jusqu’il y a moins d’un siècle, tentent de s’affranchir de la tutelle de Londres. De l’autre, les protestants nord-irlandais, très attachés au Royaume-Uni et tout particulièrement à l’Écosse dans la mesure où historiquement, ils en sont issus. De fait, il n’y a des protestants en Irlande du Nord que depuis le dix-septième siècle, lorsque ces derniers jusqu’alors établis en Angleterre et en Écosse colonisèrent le nord de l’Irlande pour y mettre en place des plantations.
Pour beaucoup de protestants nord-irlandais, être membre du Royaume-Uni n’aurait ainsi plus de sens en cas d’indépendance de l’Écosse, puisque ce seraient leurs racines qui seraient alors coupées. L’identité nord-irlandaise s’étant construite en s’appuyant sur le Royaume-Uni et en opposition à celle de la République d’Irlande, quelle serait en effet l’identité des nord-irlandais en cas d’indépendance de l’Écosse ?
La crainte des protestants nord-irlandais explique la position du mouvement Orangiste qui s’est déclaré en faveur de l’Union entre l’Angleterre, le Pays de Galles, l’Écosse et l’Irlande du Nord. Cet engagement du mouvement Orangiste, connu tout particulièrement pour sa violence depuis la période des Troubles en Irlande du Nord, est marqué par l’organisation de parades à Edimbourg à quelques jours du référendum écossais. Quelle sera l’influence de ces parades ? Pour certains, elles auront un effet négatif dans le sens où elles effrayeront les Écossais qui pourraient alors être poussés vers un vote indépendantiste. Quoi qu’il en soit, elles sont moins un facteur d’influence qu’un symptôme du malaise nord-irlandais vis-à-vis du référendum écossais.
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Or ce malaise a toutes les raisons de raviver les tensions en Irlande du Nord en cas d’indépendance de l’Écosse, comme l’a d’ailleurs noté le gouvernement de la République d’Irlande dans le brouillon d’évaluation nationale des risques pour l’année 2014 rendu public cette semaine : « Le Premier Ministre [britannique] a promis un référendum sur l’adhésion de la Grande-Bretagne à l’Union européenne en 2017 si le parti Conservateur l’emporte à la majorité aux prochaines élections de 2015. Si l’option dite du « Brexit » [autrement dit, une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne] l’emportait, cela pourrait rendre les relations Anglo-britanniques profondément incertaines. Similairement, le résultat du référendum écossais pourrait introduire un élément d’instabilité en Irlande du Nord ».
Deux référendums, deux sources de tensions pour l’Irlande du Nord. Alors qu’il y a deux ans, Belfast s’embrasait dans la violence pour des questions de symboles et de drapeau, la région semble particulièrement instable. D’autant que le statut de l’Écosse restera largement en suspend quelque soit le résultat du référendum de jeudi. De fait, une Écosse refusant l’indépendance aujourd’hui demanderait tout de même rapidement aux unionistes une plus grande autonomie avant de plaider de nouveau à plus ou moins long terme pour qu’un nouveau référendum se tienne. Et une Écosse indépendante, au contraire, poserait la question de sa place ou non dans l’Union européenne et de ses relations avec ses voisins, et l’Irlande en premier lieu. Reste donc plus qu’à attendre les résultats de jeudi, avant d’émettre de plus amples spéculations sur l’avenir de la région.